Mystères

L'île des mystères réunis

Depuis longtemps, l'île de Pâques semble réunir tous les mystères : d'abord celui de son installation originelle, compte tenu de son éloignement extrême. Elle a nécessité des navigateurs d'exception ne disposant pas des outils d'aujourd'hui pour progresser. Mystère d'une écriture originale, le rongo-rongo, à peine déchiffrée encore. Mystère de la déforestation de l'île. Mystères des célèbres statues ou "moaïs" suivis des mystères de leur chute puis de celui de l'arrêt même de leur sculpture....Des liens visibles ou encore mystérieux existent sur l’île entre une civilisation et son milieu…
Pétroglyphes sur pukao -ou coiffe de pierre- qui surmontait les moais ©AM Ducroux

Ile de Pâques

Par Anne-Marie Ducroux

Confetti

24 km sur 14 environ :c'est l'île de Pâques, dans ses plus grandes dimensions !

Son point le plus élevé culmine...à 507 m. Sa superficie de 170 km2 environ est voisine de celle de l'île d'Oléron, dit-on.  " Pour concrétiser sa taille, le contour de l'île a été superposé à la carte de Paris et de sa banlieue. Paris intra-muros s'y inscrit entièrement du nord au sud ; une expansion au sud-ouest, ne dépasse pas le bois de Meudon ; l'angle est ne dépasse pas Rosny-sous-Bois. La carrière de statues, dite de Rano Raraku, se situerait vers la mairie de Vincennes et celle des coiffes en tuf rouge à Vaugirard. "

Isolement et vide océanique

Sur une frégate à voiles, joliment nommée la Flore, au XIXe siècle, un jeune aspirant, Pierre Loti écrit : " il est au milieu du Grand Océan, dans une région où l'on ne passe jamais, une île mystérieuse et isolée ".

En Plein Pacifique, au sud d'une ligne imaginaire, celle du tropique du Capricorne, 27° de latitude sud et 109° de longitude Ouest : l'île de Pâques, appelée aussi Rapa Nui. Au centre d'un vide océanique de milliers de kilomètres. Autant à l'est vers les côtes de l'Amériques, à cinq heures de vol de Santiago ou 3 700 km du Chili, que vers l'ouest, vers les archipels polynésiens, l'ilot de Pitcairn est distant de 2090 km et l'archipel Gambier à 3000 km. Les archipels des Marquises et de la Société, eux sont à 3641 km et à 4500 km, Tahiti à 4000 km. NB sans fil.

(photo : symbole du Tropique du Capricorne au Chili)

Racine carrée de l'isolement

L'indice d'isolement du Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE 1998) propose d'additionner la racine carrée de la distance de l'île de taille équivalente ou supérieure la plus proche, la racine carrée de la distance de l'archipel le plus proche et la racine carrée de la distance du pays continental le plus proche.

L'indice d'isolement pour l'île de Pâques est alors de 149, le plus élevé !

Il est par comparaison de 102 pour Tahiti et de 23 pour la Corse.

Jared Diamond, universitaire américain, souligne l'analogie : " l'île polynésienne était tout aussi isolée dans l'océan Pacifique que la Terre l'est aujourd'hui dans l'espace. "

360 degrés

A 360°, le Pacifique est là. Sur l'île sa sensation est permanente. Trop froid pour toute barrière de corail protectrice, aussi des rouleaux incessants se brisent directement et constamment sur l'île, sous l'effet des vents répétés. Cette île ne s'aborde quasiment pas par la mer. L'accostement est difficile. Née de trois volcans, l'île est sauvage, les habitations sont regroupées, les paysages relativement austères.

Miracle

Des miracles ou des événements extraordinaires, physico-chimiques, naturels mais aussi humains, président à l'existence de cette île. A tous égards, ils tiennent de l'extraordinaire : phénomènes naturels érigeant trois volcans et une énergie humaine exceptionnelle de conquête de l'espace maritime inconnu, devant soi, pour aller plus loin, voir ailleurs simplement, ce qu'il y a :

" L'expansion polynésienne préhistorique fut le résultat d'une volonté d'exploration transmaritime sans précédent dans la préhistoire humaine. "

Contre vents et courants

En effet, l'éloignement, plus les vents et les courants sous un climat défavorable ont exigé un véritable exploit de la part de chaque être vivant pour se fixer là !

L'île a été découverte sans instruments, grâce à une navigation aux étoiles " par des navigateurs qui avançaient contre le vent et les courants dominants ". " Les connaissances maritimes des anciens Polynésiens étaient fondées sur la transmission des savoirs et sur l'observation et l'interprétation de leur environnement naturel. Ils se guidaient en suivant la position du soleil, de la lune, des étoiles, des vens, des houles et des courants. "

 

NB

« Actuellement, l'île se trouve au centre d'un gigantesque tourbillon de vents et de courants dont les directions dominantes s'opposent à la progression d'Ouest en Est. Pourtant, les plantes et les animaux parvenus sur les rives de l'île viennent des archipels polynésiens situés au nord-ouest ; certains ont donc réussi à vaincre les éléments pour se fixer à Rapa Nui. Les marins polynésiens venus de l'Ouest du Pacifique ont eux aussi savamment triomphé de ces contraintes ». On sait aujourd'hui que cette arrivée est elle-même le résultat d'une navigation des hommes depuis l'Asie du Sud Est, vers les îles polynésiennes et des polynésiens vers l'ile de Pâques. Les peuples qui ont quitté l'Asie du sud-est, il y a 5 000 à  6 000 ans, ont réalisé peut-être la plus grande aventure de navigation de l'histoire de l'humanité : plus de dix mille îles furent ainsi peuplées, éloignées entre-elles parfois par des distances de 4 000 kilomètres.

(illustration : compas hawaien de navigation avec les étoiles)

« Navigateurs d'exception, les Polynésiens sont sans doute les premiers à avoir couvert d'aussi longues distances sur des embarcations uniquement conçues en matière végétale et sans instrument de navigation. Prouesse d'autant plus grande que plus l'on va vers l'Est plus les distances sont longues et les îles petites. »

« Le capitaine Cook fut le premier à reconnaître la fabuleuse expansion du peuple polynésien de part et d'autre du Grand Océan. Rencontrant des peuples qui parlaient un langage possédant manifestement une origine et une culture communes à celles des populations des îles Tonga, de Rapa nui (l'île de Pâques), des îles Hawai et de Aotearoa, il lui parut évident qu'il s'agissait d'un seul et même peuple qui n'avait pu coloniser ces terres que par le moyen de la pirogue ».

Jour de Pâques

Les pascuans sont probablement restés totalement isolés au bout du monde pendant six siècles.

Soudain, l'isolement des habitants de l'île, prit fin le 5 avril 1722, jour de Pâques, lorsque 223 hommes arrivèrent sur trois vaisseaux commandés par le Hollandais Jacob Roggeveen. Le calendrier donna son nom à l'île.

Avec eux arrivent dans l'île de nouveaux animaux et des plantes dans l'écosystème de l'île, mais aussi des germes de maladies inconnues, de nouvelles techniques et manières de s'habiller, de penser ? Il s'en suivra des rencontres fascinantes de part et d'autres, des échanges, des bagarres, des prélèvements culturels et humains... Les effets positifs et négatifs furent multiples. L'île fut ensuite annexée par l'Espagne puis, en 1888, par le Chili. Depuis 1916, l'île de Pâques fait partie du district de Valparaiso.

L'isolement des insulaires a été ainsi rompu en 1722, avec de nombreuses conséquences. Elle sera plus en plus désenclavéee malgré son éloignement géographique, en devenant accessible aux vols commerciaux en 1967, devenus réguliers en 1971. Même les navettes spatiales de la Nasa sont censées pouvoir y atterrir en cas de besoin sur la piste d?atterrissage agrandie à cet effet et qui fait trouver dans une aussi petite île une piste parmi les plus longues.  

L'île des mystères

Statues

Des mystères autour des mégalithes érigés ou renversés subsistent.

L'île est mondialement connue pour ses statues appelées « moaïs». Elle fut inscrite au Patrimoine archéologique de l'Humanité par l'UNESCO en 1995. Si l'île fut unifiée par sa géographie, elle fut divisée en 12 parts pour 12 clans rivalisant pour ériger les plus belles plates-formes et les statues les plus hautes. Leur sculpture a probablement commencé vers le 11 ou 12e siècle ; les effigies mesuraient alors un à deux mètres. L'esprit de compétition qui anima les sociétés polynésiennes a progressivement conduit à augmenter la taille de ces figures, devenue maximale (deux d'entre elles atteignent presque 10 m !) au 16e ou au 17e siècle. Les moais pèsent en moyenne 18 tonnes. Des travaux d'architectes ont indiqué que construire ces ahu (plateformes) et moais (sculptures) aurait fait augmenter les besoins alimentaires dans l'île d'environ 25 % au cours des 300 ans de construction intensive. Des controverses nourries demeurent sur le rôle de ces constructions dans la déforestation de l'île. (voir le papier sur les enjeux de développement durable de l'île)

Néanmoins, vers 1680, les clans cessèrent d'ériger des mégalithes pour renverser ceux de leurs rivaux.

Aujourd'hui l'île en compte 887.

Ecriture 

Autre mystère : on a trouvé sur l'île une écriture unique au monde, non encore déchiffrée, signe d'une civilisation, unique dans le Pacifique. Ce système est par ailleurs si complexe qu'il défie, aujourd'hui encore, les plus éminents épigraphistes : le rongo-rongo, ensemble de signes représentant des oiseaux doubles. 

On a pu y déchiffrer un calendrier lunaire.

On sait que le tracé change alternativement de sens en changeant de ligne.

 

   (photo : rongo-rongo)

Suites à lire
...dans hier, aujourd'hui, demain : les enjeux de développement durable de l'île

 

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photo : Pétroglyphes sur pukao -ou coiffe de pierre- qui surmontait les moais ©AM Ducroux